5 avril 2020 : Communiqué de la commission agriculture et ruralité d’EELV :
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La crise sanitaire impose l’urgence de la transition écologique (Libé)

Par Un collectif — 1 avril 2020 à 15:41

L’après-confinement doit s’opérer intelligemment en tenant compte de la résilience des territoires: fertilité des sols, respect de la biodiversité, exclusion des intrants chimiques… à l’exemple de l’agriculture biologique.

Tribune. Pour nos dirigeants politiques, la tentation est grande de découpler la pandémie de Covid-19 des questions environnementales. Dans la bouche de ceux qui pensent dividendes avant de se préoccuper de santé ou de la violence sociale qui découle du confinement, apparaissent déjà des projets de «relance économique» anachroniques basés sur toujours plus de pétrole, d’exploitation humaine et de dégradation des écosystèmes. Dans le domaine agricole, la même petite musique se fait entendre, prétendant que l’urgence alimentaire justifierait de reléguer au second plan les questions des pesticides ou de l’élevage industriel.
Pourtant, les facteurs qui ont aggravé l’épidémie et ses effets sont les mêmes qui affectent notre environnement et aggravent le dérèglement climatique : frénésie économique à courte vue, déplacements planétaires par millions, mauvaise santé de la population liée à des modes de vie et d’alimentation dégradés, systèmes de santé défaillants après trente ans de néolibéralisme aveugle. La vulnérabilité au Covid-19 est en effet accrue par les cancers, maladies respiratoires ou encore cardio-vasculaires, liés en partie à la pollution atmosphérique par les pesticides, par les particules fines d’origine agricole et par la malbouffe. Autrement dit, l’épidémie mondiale de coronavirus met en question un mode de développement mondialisé qui pénalise toujours plus la santé. Ce genre de catastrophe, provoquée par des épidémies virales, mais aussi par des mégafeux ou des canicules sans précédent, risque de se multiplier.

De la vente directe à la permaculture…

Plutôt que de ressortir les vieilles recettes éculées qui aggravent ces risques, préparons intelligemment l’après-confinement. Il s’agit d’opérer la transition écologique de l’agriculture pour plus de résilience des territoires : fertilité des sols, respect de la biodiversité, exclusion des intrants chimiques, autonomie optimale, à l’exemple de l’agriculture biologique. Il s’agit d’opérer aussi la relocalisation car, comme le soulignent Geneviève Azam et d’autres économistes, «relocaliser n’est plus une option mais une condition de survie de nos systèmes économiques et sociaux». La politique agricole commune et les traités de libre-échange doivent être revus selon ces objectifs.
En France, des dizaines de milliers de fermes proposent des modes d’agriculture qui expérimentent ce modèle avec succès. Avec l’agriculture biologique, l’agriculture paysanne en vente directe, le maraîchage diversifié, la permaculture, l’élevage herbager extensif, ces paysan·ne·s construisent l’armature du «jour d’après», prometteuse de lendemains résilients. Ce sont pourtant les premières victimes de l’interdiction des marchés de plein vent, qui favorise les filières industrielles et mondialisées, accréditant l’idée qu’elles offriraient une plus grande sécurité sanitaire que les filières courtes et locales. Il s’agit pourtant d’une des principales «activités vitales» ayant besoin de soutien, et pour laquelle une relance responsable et lucide devrait s’engager.

Réduire le gaspillage et la surconsommation de viande

Le développement d’une agriculture écologique et paysanne implique la mise au diapason du système de formation, de conseil, de recherche, de sélection décentralisée des semences, de collecte, de stockage, de distribution… et un fléchage des aides publiques vers des systèmes de cultures basés sur la nature, peu consommateurs d’intrants, diversifiés et autonomes (l’opposé de l’aberrante suppression en 2018 des aides nationales aux agriculteurs biologiques certifiés). Depuis plusieurs années se sont succédé des simulations démontrant que l’agriculture biologique et paysanne peut sans difficulté nourrir le monde, l’Europe et la France, à condition bien sûr de réduire le gaspillage et la surconsommation de viande.
La population est mise à rude épreuve, chacun est en droit de souhaiter que des leçons soient tirées pour plus de résilience de la société. La profession agricole ne doit pas se dérober à son indispensable transition. Il est grand temps d’opérer la mutation écologique plébiscitée par une part croissante de la société, et de mettre enfin l’agriculture européenne en phase avec les objectifs de souveraineté alimentaire inscrits dans le traité de Rome.

Signataires: Jacques Caplat agronome et anthropologue, Anny Poursinoff et Léo Tyburce coresponsables de la Commission agriculture et ruralité d’EE-LV, Benoît Biteau, paysan bio et député européen, François Thierry paysan bio, ancien président de la FNAB et de l’Agence bio, Sabine Bonnot paysanne bio, François Dufour paysan bio, ancien député européen, Myriam Duteil, paysanne bio, José Bové paysan bio et ancien député européen, Bernard Péré paysan bio, président de Terre de liens Aquitaine, Brigitte Allain paysanne bio, ancienne députée européenne.