Bure : des moyens colossaux utilisés pour traquer les opposantEs à CIGEO
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Des journalistes de Libération ont eu accès au dossier d’instruction pour association de malfaiteurs qui pèse sur le mouvement de lutte contre le projet Cigéo depuis juin 2017 et ce qu’ils révèlent au sein d’une enquête minutieuse (https://www.liberation.fr/france/2018/11/14/bure-le-zele-nucleaire-de-la-justice_1692100) est tout simplement vertigineux : malgré des moyens d’investigation exceptionnels qui servent généralement la lutte anti-terroriste, le constat est sans appel, cinglant : la justice patine, le fameux dossier ne serait qu’une coquille vide !
Nous savions depuis longtemps que Bure était un laboratoire en terme d’acceptabilité sociale : plus d’un milliards d’euros dépensés pour acheter les consciences des élus et le silence des populations qui ne compensent aucune nuisance.
Nous savions depuis quelques temps que Bure était un laboratoire répressif : militarisation du territoire, judiciarisation de la lutte et criminalisation de l’opposition sont les pierres angulaires de la guerre de basse intensité quotidienne que nous livrent les autorités depuis près de deux ans.
Nous savons aujourd’hui combien Bure est avant tout le laboratoire de la honte. L’affaire des malfaiteurs de Bure n’en est pas une, elle n’est que le résultat d’un grossier montage entrepris pour faire tomber l’opposition à Cigéo. Cette histoire est fictionnelle, une chimère, une illusion. Un récit qui est construit de toute pièce, un puzzle qui ne s’assemble pas, une invention sortie du chapeau comme ultime réponse à la crédibilisation et à l’amplification de la lutte contre le projet Cigéo.
L’instruction pour association de malfaiteurs est une procédure lourde, particulièrement douloureuse à vivre pour celles et ceux qui sont directement ciblés par elle. Depuis son évocation pour Bure, nous craignons d’assister à un Tarnac bis : dix ans de procédure qui se sont soldés par des relaxes mais qui ont bousillé la vie des concernés. Dans le cadre de Bure, elle contrôle la vie de 7 militant-es mis en examen, interdit-es de territoire (Bure, Meuse ou Haute-Marne) et surtout interdit-es de rentrer en relation. Elle a des répercussions directes sur l’ensemble du mouvement en lutte, sur nos associations, nos collectifs. Elle criminalise nos engagements, nos solidarités et nos amitiés. Et, surtout, elle semble ne reposer sur rien. Pourtant, les investigateurs redoublent d’effort et d’imagination pour nous construire une image de malfaiteurs, en utilisant une palette surréaliste de méthodes généralement utilisées dans le cadre de l’antiterrorisme et du grand banditisme :
Des milliers de pages, des moyens extraordinaires en terme de surveillance : « physique, géolocalisation, balisage de véhicule, placement sur écoute, tentative de sonorisation d’une maison, expertise génétique, perquisitions, exploitation de matériel informatique… ».
Des écoutes massives, des milliers de communications décortiquées, des géolocalisations rafraîchies toutes les dix minutes de certains opposants mais aucun «élément intéressant l’enquête ou susceptible d’aider à la manifestation de la vérité».
Des méthodes toujours plus intrusives et précises pour rentrer dans l’intimité des gens comme l’Imsi catcher, une «valise espionne» qui « agit comme une antenne-relais et intercepte les données de communication de tous les téléphones portables présents alentour. »
Des dizaines de perquisitions, des centaines de saisies de supports numériques, 45 expertises techniques, informatiques – et même ADN – ont déjà été effectuées…mais selon les journalistes, « des actes vains, mais facturés des dizaines de milliers d’euros, selon les nombreux devis, consultés par Libération, joints aux documents d’enquête. »
A la lecture de l’article, nous sommes presque en apnée de découvrir l’ampleur des investigations qui jure drastiquement avec le néant des charges. Pour combler le vide, l’article révèle des interrogatoires poussés voire affligeants qui visent davantage à savoir qui est le « nous » des opposants à Cigéo qu’à éclaircir des faits qu’ils prétendent poursuivre.
Nos moindres faits et gestes deviennent suspects et sont regardés à travers un prisme criminalisant : « l’ensemble des activités, même les plus anodines […] sont passées au crible : «Qui est chargé de la logistique concernant le matériel, le bois ?», «Comment vous nourrissez-vous ?». »
La faiblesse du dossier laisse place à tous les fantasmes, « plus que les infractions visées, c’est le mouvement politique, et sa structuration, qui se retrouvent sur le gril. » Sans doute aimeraient-ils que l’on désigne des chefs ou des responsables, là où notre organisation est loin d’être pyramidale : il faut arrêter ce délire orwellien !
Quand tu es un militant contre la poubelle nucléaire, tes droits les plus élémentaires ne sont pas respectés et cette procédure le confirme ! La présomption d’innocence ? Aux oubliettes ! Le droit à la défense ? Un lointain souvenir !
Les militant-es mis-es en examen sont les principales victimes de cette instruction nauséabonde, creuse, liberticide et humiliante, qui confirme le déclin de la démocratie tout comme l’étiolement de la justice. Alors que la Cour de Cassation examinait hier le recours de 5 d’entre eux qui demandaient la levée de leur contrôle judiciaire, cette enquête rappelle combien Bure est définitivement une affaire politique ; ce qu’il s’y passe est insoutenable.
Il est urgent :
– de retrouver un climat serein à Bure, que ce territoire mis sous couche soit démilitarisé et que l’opposition à Cigéo cesse d’être scrutée à la loupe.
– que soient levés ces contrôles judiciaires inhumains et injustifiables qui sont les conséquences d’une répression et d’un acharnement politique bien plus que d’une nécessité judiciaire !