De Napoléon et les juifs à Darmanin et les musulmans par Esther Benbassa et Jean Christophe Attias
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Pour plus de 6 Français sur 10, les personnalités politiques instrumentalisent la laïcité. Gérald Darmanin s’inscrit exactement dans cette dynamique délétère.

Au sommet de l’État, les vocations annexes ne manquent pas. Tel s’improvise épidémiologiste, ce qui est inquiétant. Tel autre joue à l’historien, ça ne l’est pas moins. Mais il faut bien que l’Histoire serve à quelque chose… C’est ce que nous rappelle notre ministre de l’Intérieur dans un livre, Le séparatisme islamiste, Manifeste pour la laïcité, dont le principal mérite est la brièveté. L’Histoire sert surtout, on dirait, à se trouver des modèles.

Manuel Valls s’était imaginé en nouveau Clemenceau. Gérald Darmanin, lui, chausse les bottes, un peu grandes, de Napoléon. Napoléon et les juifs, ce serait comme Darmanin et les musulmans. Cette comparaison, ce n’est pas nous qui la faisons –on nous le reprocherait assez–, c’est bien lui qui la suggère, et à lui c’est permis. La politique de l’Empereur à l’égard des juifs? “Une lutte pour l’intégration avant l’heure”, écrit M. Darmanin (p. 27). C’est y aller un peu fort. Et pour tenir cette ligne, le ministre accommode l’Histoire à sa sauce.

La politique de Napoléon à l’égard des juifs est une régression. Alors que la Révolution, en 1790-1791, les avait émancipés en en faisant des citoyens à part entière, l’Empereur en refait une communauté, dont il entend bien corriger les prétendus scandaleux travers. En 1806, convocation d’une Assemblée des Notables choisis par les préfets parmi les juifs les plus probes et les plus éclairés. Le gouvernement veut se documenter, il a douze questions à poser sur la compatibilité du culte juif avec la loi de l’État. En 1807, convocation d’un Grand Sanhédrin chargé de transformer en décisions les avis de l’Assemblée. En 1808, trois décrets sont publiés.

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