
Pesticides, « nouveaux OGM » et débats autour de la nouvelle politique agricole européenne. L’agronome et professeur honoraire à AgroParisTech Marc Dufumier revient pour Socialter sur les actualités qui marquent l’agriculture depuis quelques mois. Pour lui, l’adoption de pratiques agroécologiques plus vertueuses reste encore trop marginale.
Vous avez occupé la chaire d’agriculture comparée et de développement agricole d’AgroParisTech. À quoi s’intéresse cette discipline agronomique ?
L’idée est de comparer le présent avec le passé. Cette discipline regarde pourquoi le développement agricole a historiquement adopté des formes très différentes d’une région à une autre. Elle étudie ainsi les différentes agricultures à l’échelle mondiale et compare leur évolution, depuis le Néolithique jusqu’à nos jours. Elle s’interroge : quelles conditions écologiques et socioéconomiques ont pu permettre leur essor ? Elle analyse aussi leur impact à travers le prisme de la mondialisation des échanges. Car les diverses manières de pratiquer l’agriculture se retrouvent de plus en plus en concurrence sur un même marché mondial. Ces réflexions peuvent être une excellente source d’inspiration pour proposer du neuf.
Dans vos ouvrages, vous évoquez souvent René Dumont, figure initiatrice de l’écologie politique française. Que retenez-vous de son itinéraire scientifique et idéologique ?
René Dumont fut mon professeur puis mon directeur de thèse. Lorsque j’étais étudiant, à la fin des années 1960, je partageais son ambition de « mettre fin à la faim ». Il était un agronome tiers-mondiste, très préoccupé par la faim qui régnait alors dans un grand nombre de pays du Sud. À l’époque, des famines venaient d’avoir lieu en Inde, et il voulait à tout prix en éviter de nouvelles. Son idée était de dire : ces peuples ne pourraient-ils pas se nourrir par eux-mêmes et faire face à l’accroissement démographique ? L’agronome plaidait alors pour une agriculture intensive à l’unité de surface. Il plaidait aussi pour un planning familial, afin que la quantité de nourriture disponible progresse plus vite que le nombre de bouches à nourrir. Il était question de résoudre la faim sans que ces pays aient à dépendre d’une quelconque aide alimentaire.