Monsieur le président, ne rendez pas la France complice des crimes commis par le gouvernement d’Israël 
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Tribune publiée dans le Monde le 30 Mars 2024

Depuis le 7 octobre 2023, le débat sémantique fait rage dans l’espace politique. Dans un premier temps, il était nécessaire de qualifier les actes du Hamas sur le territoire israélien. Nous, écologistes, n’avons pas hésité : il s’agissait d’actes terroristes d’une barbarie rare. Tout comme nous n’avons cessé de demander la libération des otages détenus par le Hamas. Nous avons aussi appelé dès le mois d’octobre à ne surtout pas faire l’amalgame entre les juifs en général et en particulier les Français de confession juive et les actions du gouvernement israélien.

Depuis les représailles d’Israël nous n’avons pas hésité non plus à qualifier les faits : des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité sont en cours à Gaza. 
 

Aujourd’hui, la question posée est celle de la qualification de génocide.

Ce débat est particulièrement difficile sachant ce qu’ont vécu les juifs d’Europe pendant la Shoah et à quel point cela a marqué l’histoire de l’humanité et en particulier de l’Etat d’Israël, créé au lendemain de cette effroyable destruction. Nous refusons les surenchères de certains comme nous n’acceptons pas les œillères d’autres. Selon nous, ce qui doit guider notre analyse est simple : courage politique, lucidité et respect du droit international. 
 

Le 14 janvier, la Cour Internationale de Justice a relevé un “risque réel et imminent de génocide à Gaza”. En s’apprêtant à lancer son offensive sur Rafah, dernier refuge pour plus d’un million de Palestienniennes et Palestiniens deplacé·es dans une zone de 60 kilomètres carrés, le gouvernement Israëlien de Benyamin Nétanyahou semble toujours plus proche de ce que les juges de La Haye pourraient un jour qualifier de génocide. 
 

Rappelons que, selon la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948, ce crime est défini par des « actes commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux », notamment en « tuant des membres du groupe » et en « soumettant délibérément le groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ». Selon le droit international, un génocide se définit donc par la matérialité des crimes et par l’intention de ceux qui les commettent. 
 

La matérialité des crimes israéliens est indiscutable après cinq mois de guerre. Plus de 30,000 Palestiniennes et Palestiniens ont été tué·es, dont 25 000 femmes et enfants. Plus de 50 % des habitations de Gaza ont été détruites ou endommagées. Plus de 1,7 million de Palestinien·es ont été déplacé·es de force. L’armée israélienne a attaqué – délibérément – des journalistes, du personnel médical, des écoles, des lieux de culte, des hôpitaux, des infrastructures énergétiques. Le blocus et la limitation extrême de l’assistance ont créé une situation de catastrophe humanitaire d’une ampleur inédite qui pourrait entraîner à très court terme des dizaines de milliers morts de maladie et de faim. 70 % des ménages consomment de l’eau salée ou contaminée. Plus de la moitié de la population gazaouie est en situation d’urgence alimentaire, et plus du quart en situation “catastrophique” selon les organisations internationales (IPC).
 

Concernant les “intentions” du gouvernement d’Israël, elles sont plus difficiles à qualifier au regard du droit qui définit le crime de génocide. On se souvient cependant des propos du ministre de la défense, Yoav Gallant, le 9 octobre, qui affirmait “nous combattons des animaux humains et nous agissons en conséquence”. Quant à Benyamin Netanyahou, il a bien exprimé le souhait de “réduire la population de Gaza au niveau le plus bas possible” en décembre 2023. Ces expressions publiques suffisent-elles à caractériser l’intention génocidaire qui implique un plan organisé visant à détruire tout ou une partie de la population palestinienne ? La Cour Internationale de Justice devra enquêter et trancher cette question. 
 

Quant à nous, les Écologistes, nous constatons que les faits sont tels que nous les qualifions de génocide en cours et souhaitons alerter l’ensemble de la communauté internationale de la nécessité de réagir à la gravité des faits. 

Dans ce contexte, constatant notamment que le gouvernement israélien ne répond pas aux injonctions de la CIJ, la France est dans l’obligation d’agir. La convention de l’ONU oblige ses États signataires, dont la France.
 

Les nations occidentales cherchent-elles vraiment à empêcher le génocide en cours “par tous les moyens” comme l’exige le droit international ? Nous ne le pensons pas. 
 

Si la majorité présidentielle a certes abandonné sa ligne initiale du “soutien inconditionnel” à Israël, la voix de la France est aujourd’hui peu audible et peu crédible. Lorsque Emmanuel Macron dit son opposition à une intervention sur Rafah le 24 mars dernier, c’est même de façon moins claire et vocale que Joe Biden, pourtant plus grand allié d’Israël et qui a fait de l’offensive terrestre à Rafah une “ligne rouge”. Olaf Scholz, particulièrement rétif à toute critique vis-à-vis d’Israël, a fini par exprimer des “inquiétudes” pour les victimes civiles le 17 mars dernier lors de sa visite à Jérusalem. 

Tout cela pour quel résultat ? Aucun. Agir pour stopper un potentiel génocide implique un changement radical et urgent de méthode et de discours. A la veille de l’offensive sur Rafah dont les conséquences pourraient être apocalyptiques, les nations occidentales se doivent de réagir avec force et courage.  
 

Aussi, nous réitérons nos demandes à Emmanuel Macron : Monsieur le Président, ne rendez pas la France complice des crimes commis par le gouvernement d’Israël. Décrétez immédiatement un embargo sur les ventes d’armes et l’ensemble des matériels et composants militaires que la France fournit encore à Israël. Rappelez l’Ambassadeur de France, adoptez des sanctions économiques et agissez auprès de vos partenaires européens pour que l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël soit suspendu. Exigez l’entrée des enquêteurs de la Cour Pénale Internationale dans Gaza afin de documenter et préserver les preuves des crimes qui y sont commis. Osez reconnaître, enfin, l’Etat palestinien de manière unilatérale, comme l’Assemblée nationale et le Sénat l’ont d’ailleurs voté. 139 pays l’ont déjà fait ! 

La France et l’Union européenne disposent de leviers concrets pour exercer une forte pression sur le gouvernement Netanyahou afin d’obtenir un cessez-le-feu durable et l’ouverture de négociations de paix. Afin de faire cesser sans délai l’horreur indicible de ce génocide en cours à Gaza.

Premiers signataires :

Cyrielle Chatelain, députée de l’Isère, présidente du groupe écologiste à l’Assemblée nationale ; Guillaume Gontard, sénateur de l’Isère, président du groupe écologiste au Sénat ; Yannick Jadot, sénateur de Paris ; Raymonde Poncet, sénatrice du Rhône ; Mounir Satouri, député européen ; Sabrina Sebaihi, députée des Hauts-de-Seine, secrétaire de l’Assemblée nationale ; Marine Tondelier, secrétaire nationale Les Ecologistes ; Marie Toussaint, députée européenne, tête de liste Les Ecologistes – EELV aux élections européennes 2024 ; Mélanie Vogel, sénatrice représentant les Français établis hors de France, présidente du Parti vert européen.