Exposé des motifs
Du Grand Paris de Sarkozy au nouveau Grand Paris de Ayrault, une même volonté, celle de renforcer la compétitivité, l’attractivité de l’Ile de France, y compris en intégrant Rouen et Le Havre dans la « dynamique francilienne ». Un discours du premier ministre qui s’adresse « à l’ensemble de ses habitants, qu’ils résident en petite couronne, dans les communes périurbaines, ou dans les arrondissements parisiens », les habitants de la grande couronne « apprécient » d’être oubliés ! Un discours où ne figure pas le mot agriculture ; des annonces qui aggravent encore les effets du Grand Paris en prévoyant la création de la métropole de Paris, regroupant plus de huit Franciliens sur dix, faisant de la grande couronne des zones de désintérêt des pouvoirs publics, et ajoutant une couche institutionnelle incompréhensible par rapport aux missions de la région Ile de France.
L’annexe ci-après analyse les enjeux des projets du nouveau Grand Paris, au-delà du seul « Grand Paris des transports ».
Motion
Le Congrès départemental EELV 78
1. Considère que les projets du Nouveau Grand Paris et de la métropole de Paris qui relèvent de la volonté d’accroître l’attractivité et la compétitivité de l’Ile de France, parce qu’ils renforcent l’aliénation humaine et l’exploitation de la planète ne sont pas compatibles avec les valeurs de l’écologie politique en termes économiques, environnementaux, sociétaux ;
2. Demande que la région ne mette pas en œuvre les projets de pôle de compétitivité prévus par le gouvernement Sarkozy et reconduits par le gouvernement ;
3. S’oppose à la vision concentrique autour du centre parisien soutenue par le projet de métropole de Paris et propose d’examiner des contours d’intercommunalités développés en « pétale », dans la même logique de territoire.
Propositions :
4. Soutient les améliorations des transports en commun qui correspondent aux besoins réels de déplacement des habitants dans leur bassin de vie, et en particulier l’amélioration des lignes existantes et le développement des maillages sur petits trajets, mais s’oppose aux projets de prestige entre pôles de compétitivité et aux gares en pleins champs (Saclay, Gonesse) ;
5. Se réjouit de l’évolution annoncée vers le droit commun de la Société du Grand Paris et demande à ses élus de veiller à la réalisation de cet engagement puis d’évaluer l’opportunité de la persistance de cette structure au regard des prérogatives du STIF ;
6. Soutient une vision « modeste » de l’Ile de France fondée sur la coopération entre les régions la sobriété et une meilleure qualité de vie pour tous les habitants ;
7. Affirme que le territoire local reconnu comme porteur d’une communauté de destin par les habitants et les élus constitue l’unité de base visant à une plus grande autonomie alimentaire et énergétique ainsi qu’à la solidarité économique ;
8. Soutient une structuration polycentrique de l’Ile de France organisée à partir des territoires et des projets construits avec les habitants ;
9. Demande la reconnaissance par la région de coopérations territoriales rurales/urbaines ;
10. Souhaite que que la région se donne un objectif ambitieux de type « zéro terre agricole artificialisée », le cas échéant en recourant à des échanges ;
11. Soutient un niveau régional fort dans son rôle stratégique d’aménagement d’une région sobre, post-carbone, de mise en cohérence et d’équilibrage entre les territoires et dans ce but souhaite le renforcement des compétences régionales dans la conduite des politiques publiques via de nouveaux instruments en matière d’autonomie et de péréquation fiscale notamment.
Signataires
Claudine Parayre, Laurent Sainte Fare Garnot, Franck Barraud, Jean Luc Manceau, Olivier Pareja, Hervé Laurent, David Jutier, Pierre Mormiche, Françoise Fiat, Marie Claude Bourdon, Annie Coupas, Patricia Millot, Carlos Lopes, Jean François Michel, Sylvie Goldfain, Gérard Lévy, Brigitte Bouvet, Romain Chiarada, Sylvie Weil, Pilar Salvidia, Valérie Samson-Perrin
Annexe
Au-delà de certaines améliorations de transports qui permettent de calmer les esprits, quels sont les vrais enjeux et les dangers ?
Polarisation des emplois et saturation des transports
– le développement de pôles de compétitivité concentrant plus de 90% de la croissance de l’emploi rendra encore plus forte la fracture entre domicile et travail, et accroîtra davantage la demande de transports ; chaque année on observe déjà 300 000 déplacements journaliers supplémentaires, y compris en provenance d’autres régions (1/5 des actifs de l’Oise et de l’Eure occupent un emploi en IDF) ;
– une croissance démographique passant de 80 000 à 100 000 ou 120 000 habitants supplémentaires représentera 500 000 déplacements journaliers supplémentaires par an. Cette population viendra grossir essentiellement les territoires moins peuplés de grande couronne, justement là où n’ira pas le Grand Paris des Transports.
Déséquilibres et inégalités dans la région
– ces emplois aspirent les cadres et jeunes actifs des autres régions, cette spécialisation nuit à l’emploi des populations peu qualifiées et renforce les disparités. Les communes les plus riches s’enrichissent, la situation des communes les plus pauvres ne s’améliore pas (30 communes sur 1300 accaparent la moitié de l’emploi régional) ;
– le déséquilibre infrarégional va s’accroitre avec l’arrivée massive de bureaux supplémentaires à l’Ouest (La Défense + 450 000 m² de bureaux) et au Sud, les logements augmentant eux, à l’Est et au Nord ;
– Le déséquilibre entre zone dense cumulant richesses et emplois et zones de grande couronne, réservoirs de main d’œuvre va s’accélérer avec la réforme de la gouvernance contenue dans le projet de « métropole de Paris » ;
La fuite en avant du gaspillage des ressources naturelles
-la disparition des terres agricoles d’Ile de France se poursuit, alors que la barre symbolique des 50% vient d’être franchie : les surfaces agricoles représentent désormais moins de la moitié de l’Ile de France ;
– le volume de déchets et déblais résultant du futur chantier du Grand Paris des transports est colossal, son traitement n’est pas assuré : une partie dans les Yvelines, en Seine Maritime ? la Seine et Marne absorbe dès à présent 65 % des déchets du BTP en Ile de France, la grande couronne et ses espaces naturels continueront-ils d’être utilisés comme zone d’évacuation des déblais ?
Une attractivité au service de la compétition internationale
– la réalisation de projets « de prestige » satisfait seulement les appétits des grands groupes et des élus bétonneurs : Europacity à Gonesse, Plateau de Saclay, villages Nature en Seine et Marne, port d’Achères, Villejuif, Montesson, etc.
– cette attractivité renforce la congestion de l’Ile de France : saturation des transports, hausse de la demande de logements entraînant une hausse des loyers, mal être, pollutions (eau, air, bruit..) ;
– l’Ile de France est déjà la première région économique française, la région la plus riche d’Europe, la région européenne la plus dense, au premier plan des comparaisons internationales ; le projet du gouvernement s’inscrit dans la poursuite de la concurrence effrénée entre grandes villes françaises et européennes fondée sur la concentration, la polarisation, la spécialisation, les bénéfices des grands groupes, les projets de prestige.
Des habitants tenus à l’écart des décisions
L’absence de débats publics sur l’opportunité de ces projets est une constante et un choix politique.
Les seuls débats organisés portent sur des tracés de métro et jamais sur le bien fondé des opérations envisagées : campus Paris Saclay et concentration de la recherche en Ile de France, centre commercial Europacity et mode de surconsommation imposé, port d’Achères et transport international des marchandises etc.
Les établissements publics se multiplient, prenant la main sur les décisions et leur mise en œuvre, sans contrôle des élus et des habitants ; Le projet de métropole de Paris est caricatural :
La gouvernance est réservée au maire de Paris, présidents de conseils généraux ou présidents de grandes agglomérations… éloignant ainsi les citoyens de la représentation, sans élection directe du conseil métropolitain.
Une concurrence organisée entre métropole et région
Le projet de loi de décentralisation et de réforme de l’action publique affirme et renforce l’existence des métropoles, couche supplémentaire du millefeuille institutionnel.
A titre d’exemple, la métropole de Paris devrait élaborer un schéma métropolitain de l’habitat et de l’hébergement qui s’imposera au schéma régional.
En instaurant une fracture entre le cœur dense et riche et les franges, la réforme territoriale va marginaliser la Région et organiser les rivalités institutionnelles, les luttes d’influence, au bénéfice de projets tournés vers la compétition internationale.
La région perdra son rôle stratégique de prévision, de cohérence dans l’aménagement territorial, de garantie de l’équité, d’évolution vers une société post-carbone.