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Le texte visant à «restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents» est débattu à l’Assemblée ce mercredi 12 février. Le député Les Ecologistes Pouria AMIRSHAHI démontre en quoi ce projet, qui prévoit notamment la comparution immédiate dès 16 ans, pourrait avoir l’effet inverse à celui recherché.
Le mercredi 12 février, l’Assemblée nationale va devoir se prononcer sur la proposition de loi visant à durcir la justice pénale des mineurs ainsi que les sanctions à l’encontre des parents d’enfants délinquants. Déposée par le président du groupe Ensemble pour la République, Gabriel Attal, elle s’inscrit dans les mêmes obsessions sécuritaires de toutes les droites (le RN et LR avaient également fait des propositions identiques). La mue réactionnaire de nombreux macronistes suit son cours, et les conséquences politiques de cette triangulation – désormais une dérive – sont à craindre. Mais regardons cette proposition au fond et tâchons d’y répondre, puisque l’agenda nous l’impose.
Il s’agit, pour l’ancien Premier ministre, de permettre la comparution immédiate dès l’âge de 16 ans et d’infliger des sanctions – pénales et civiles – aux parents.
Sait-il que les comparutions immédiates sont les principales pourvoyeuses de détenus (58 893 comparutions immédiates en 2022, selon les chiffres du ministère de la Justice de 2023), dans un pays qui explose tous les records de surpopulation carcérale ? Sait-il surtout que la prison est la première école de la récidive ? Par quel raisonnement celui qui prétend vouloir faire baisser la délinquance propose une mesure qui aura pour conséquence… de l’augmenter ? A-t-il seulement conscience de la réalité des conditions de détention dans les prisons françaises, où les mineurs sont isolés, ont très peu de temps collectifs, très peu d’heures d’enseignement, sont souvent placés à l’isolement, ne sont pas écoutés lorsqu’ils ont peur ou qu’ils vont mal.
Ce n’est pas en enfermant un enfant qu’on lui ouvre de nouvelles perspectives loin de la délinquance. A l’inverse 70 % des enfants qui passent entre les mains de la protection judiciaire de la jeunesse ne passent qu’une fois et un mineur délinquant ne l’est souvent plus à ses 18 ans. Un autre chiffre devrait nous amener à plus de retenue quant au prétendu «ensauvagement de la jeunesse» : n’en déplaise aux activistes de la post-vérité, la délinquance des mineurs tend à diminuer en France depuis plus de dix ans ; du vol à la tire à l’homicide, le nombre de mineurs mis en cause par les services de police et de gendarmerie est passé de 200 000 à la fin des années 2000 à 121 000 en 2023. Quant à la part des délits commis par les mineurs, elle n’a quasiment jamais cessé de diminuer, de 22 % au plus haut en 1998 à 12 % en 2023.
Mieux vaut préférer les mesures éducatives aux mesures d’enfermement
Autant de réalités – documentées par tous les professionnels de la Justice, les députés de tous bords ayant exercé leur droit de visite et les enquêtes journalistiques – qui devraient nous pousser à préférer les mesures éducatives aux mesures d’enfermement, et plus encore à la prison. De ce point de vue, la suppression de 500 postes envisagée à la Protection judiciaire de la jeunesse – sachant qu’un éducateur encadre 25 jeunes – est bien plus de nature à nous inquiéter, puisqu’elle laisse les graines de violence grandir.
La protection des mineurs, c’est bien la voie qu’avait choisie l’ordonnance de 1945 à une époque où la France comptait des mineurs orphelins, traumatisés, livrés à eux-mêmes et bien plus violents qu’aujourd’hui. Ce qu’ont compris nos prédécesseurs, au diapason de l’esprit des Lumières, c’est que l’enfance délinquante est avant tout une enfance en danger.
Non contents de cibler les enfants en danger, Gabriel Attal pointe du doigt leurs parents plus précaires, comptant nombre de mères célibataires qui tiennent à bout de bras des familles parfois nombreuses, choisissant de pénaliser des familles entières, parents et fratries confondus. Car, à travers la coercition financière et l’obligation de travaux d’intérêt général, cette proposition de loi soustrait le parent de la cellule familiale et l’empêche d’éduquer véritablement ses enfants. Qu’adviendra-t-il d’eux quand les parents seront en TIG ? Qu’adviendra-t-il d’eux quand leurs parents ne pourront plus subvenir à leurs besoins – ne serait-ce que ceux de la fratrie n’ayant commis aucune infraction – à cause d’une amende trop élevée ? Pourtant, les professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse sont formels : l’immense majorité des parents d’enfants délinquants assure une présence constante et parfois sollicite l’aide des éducateurs avant le passage à l’acte. C’est donc la coopération avec et l’accompagnement des familles qui a des effets, pas l’inverse.
Sans nier aucun des symptômes des violences qui minent notre société, chez des mineurs parfois très jeunes, appuyons-nous sur les témoignages des professionnels et, contre le trumpisme ambiant, sur la réalité des faits. J’en appelle à tous les démocrates pour qui l’esprit de raison républicaine compte encore : refusez cette proposition de loi, dangereuse parce que littéralement contre-productive. Au nom de l’avenir même de nos enfants et donc de notre avenir.