La commission transnationale EELV analyse la tournée africaine d’Emmanuel Macron
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Marine Tondelier, secrétaire nationale d’EELV, a repris cette note de la commission transnationale sur Twitter

Tournée africaine d’E. Macron : soutien aux régimes autoritaires et greenwashing

Dans un contexte de fortes tensions avec un nombre croissant de pays africains, Emmanuel Macron a entamé, le 1er mars, une tournée en Afrique centrale, au Gabon, en Angola, au Congo et en République démocratique du Congo. Deux jours avant, il avait tenu un discours solennel depuis l’Elysée pour exposer sa stratégie de refondation des relations de la France avec l’Afrique.

Le discours du président se voulait un prolongement de celui de Ouagadougou, en 2017, lors duquel il avait promis une « révolution » des relations françaises avec les pays du continent africain. Ainsi a-t-il mis en avant le terme « partenariat », martelé pas moins de 24 fois… Pourtant, rien de novateur, mais un discours maintes fois tenu par le président lui même et plusieurs de ses prédécesseurs. E.Macron a beau proclamer qu’il n’a aucune nostalgie de la Françafrique, sa visite actuelle à deux de ses plus solides piliers, le Gabon et le Congo, comme sa politique durant son premier quinquennat, disent le contraire, voir, par exemple, son appui à la réussite du coup d’État institutionnel au Tchad.

Pour tenter de masquer cela , le président s’est félicité de plusieurs mesures présentées comme des succès. Il a salué la réforme du franc CFA alors qu’elle n’est, tout au plus, qu’un ravalement de façade, une réforme nominale et partielle ,qui, d’ailleurs, ne concerne que 8 des 15 pays africains de la Zone franc. Il a cité la commission mémorielle sur les exactions de l’armée française lors de la guerre de décolonisation au Cameroun, pourtant très critiquée et rejetée par une bonne partie de la population concernée. Quant à l’annonce d’une loi-cadre sur la la restitution de biens spoliés, la proposition de loi est déjà en cours d’examen au Parlement.

On peut aussi s’étonner, et voire s’inquiéter ,du fait que les enjeux démocratiques, la question des droits humains comme d’un autre « développement » soucieux des populations aient été aussi peu présents dans ce long discours au contraire des enjeux économiques.

En fait, l’étape au Gabon est emblématique des contradictions du discours d’Emmanuel Macron.

Le prétexte est le One Forest Summit , qui se tient à Libreville les 1er et 2 mars pour la préservation des forêts du bassin du Congo. Or, ce sommet est très critiqué par la société civile gabonaise qui lui a demandé à plusieurs reprises de ne pas y participer. En effet, le Gabon vit une crise économique, sociale et démocratique depuis 2009, année de la prise de pouvoir violente d’Ali Bongo Ondimba , lors de la mort de son père, après 42 ans de « règne ». Or, une nouvelle élection présidentielle devrait se tenir au mois d’août et tout porte à croire qu’il s’agira d’une mascarade, comme en 2016, où les fraudes avaient entrainé d’importantes mobilisations et une répression meurtrière. Dans ce contexte, la présence française sera interprétée comme un soutien à M.Bongo, d’autant que les attaques contre toutes les voix dissidentes sont déjà fortes: emprisonnement depuis une année de Jean-Rémy Yama, président de la principale centrale syndicale, censure et arrestation de Privat Ngomo, empêchant sa conférence de presse sur le One Planet Summit, exil forcé de Bernard Christian Rekoula. Ce dernier a été victime de tentatives d’assassinat après avoir dénoncé les pollutions du pétrolier franco-britannique Perenco ( 2ème groupe français au centre d’un conflit d’intérêt)… la défense de l’environnement ne concerne pas la 1ère ressource du Gabon, le pétrole.

Le discours de M.Macron prétendait lutter contre le sentiment anti-France de plus en plus présent dans nombre de pays africains : c’est pourtant ce type de soutien aux régimes autoritaires qui alimente ce sentiment bien plus que les opérations de désinformation de la Russie.

Aucune remis en cause, pourtant, de cette politique lorsque le président a évoqué le thème le plus attendu de son discours, celui de la présence militaire française en Afrique, dans le contexte de l’opération Barkhane et du départ forcé du Mali et du Burkina Faso. En fait, aucune nouveauté dans les mesures annoncées, maintien d’une partie des troupes, partenariat et formation. Mais rien sur le bilan catastrophique des interventions au Sahel, sur l’objectif de ce maintien limité des militaires, répondant à quelle vision, à quelle stratégie ?

Le One Forest Summit est également critiqué car consacrant la pseudo exemplarité du Gabon en matière d’environnement alors que les activistes locaux n’ont de cesse de dénoncer un greenwashing massif, le plus souvent au détriment des populations ( relevant de la compensation carbone dont on connait les dérives), très loin des discours proclamés dans toutes les enceintes internationales. La présence physique d’Emmanuel Macron convainc d’autant moins qu’il a été absent à la COP 15 sur la biodiversité comme au sommet sur l’adaptation de l’Afrique au changement climatique, à Rotterdam, en décembre et septembre dernier. Et que les véritables acteurs africains de terrain n’ont pas été conviés à un sommet qui n’accueille que sur invitation.