Marine Tondelier souhaite une candidature unique de la gauche pour 2027
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Propos recueillis par Arthur Nazaret
29/04/2023 à 22:41
Marine Tondelier, dirigeante écologiste qui prône l’union des gauches à la présidentielle, estime venu le temps d’une candidature féminine. Elle annonce la création d’un observatoire des violences contre les militants écologistes et cible le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin.

Ne craignez-vous pas que le 1er mai soit la dernière grande journée de mobilisation ?

Le 1er mai ne sera pas un bouquet final. Depuis le début du mouvement social contre la réforme des retraites, le gouvernement parie sur le pourrissement, sur la lassitude et sur l’oubli mais c’est exactement l’inverse qui se produit. Il y a une vraie rupture de confiance entre Emmanuel Macron et les Français. Il peut donner « 100 jours » ou plus à son gouvernement, cela n’y changera rien. Le peuple a de la mémoire.

Faut-il perturber des grands événements comme Roland-Garros, le festival de Cannes, le grand prix de Monaco comme le promet la CGT Énergie ?

Vous ne me ferez pas dire du mal des syndicats. Lorsque j’avais rencontré Elisabeth Borne, je l’avais prévenue : il n’y aura pas de paix sociale sans retrait de la réforme. Ce n’était pas une menace. C’est la réalité de l’état d’esprit dans lequel le Gouvernement a mis le pays. Ce n’est pas le mouvement social qui se radicalise, c’est le Gouvernement qui s’enfonce chaque jour un peu plus dans une forme d’autarcie et de déni. Cette réforme siffle en réalité le début de la fin du macronisme, y compris pour un certain nombre de leurs électeurs. Et tout le monde en voit bien les conséquences politiques : Marine Le Pen a été inexistante dans le débat parlementaire, elle s’est tenue loin du mouvement social et, en réalité, elle se délecte à la vue du délitement démocratique. C’est la stratégie du vautour.. A nous, les écologistes et la gauche, de préparer une alternative positive et heureuse.

Y-a-t-il dans les annonces de Borne matière à apaisement ?

Pour apaiser, il aurait fallu retirer la réforme des retraites. Après être passée en force quitte à abîmer nos institutions, je m’attendais aussi à des propositions en matière de démocratie.
Mais, non, rien. Beaucoup de greenwashing en matière d’écologie, beaucoup de manipulations dans plusieurs domaines où on nous ressort les mêmes incantations ou approximations, à chaque série d’annonces. Dans une forme de malhonnêteté intellectuelle, ils font passer des reculs sociaux pour des progrès historiques ! La vérité, c’est que ce soit en matière sociale ou sécuritaire, ils durcissent encore un peu plus leur cap alors que la situation dans laquelle nous sommes exigerait de l’apaisement.

Vous pensez aux heures d’activité contre le RSA ?

Par exemple, oui, mais pas seulement. Le message est clair : les pauvres ne méritent pas les aides qu’on leur donne.
Mais les aides aux entreprises, elles, ne cessent d’augmenter, sans aucune contrepartie. Ni sur l’égalité salariale femmes-hommes, ni sur l’éco-conditionnalité des aides, ni sur l’engagement à ne pas délocaliser. Et le Gouvernement ne s’attaque pas sérieusement à la fraude fiscale qui coûte à l’Etat 15 à 40 fois plus que la fraude sociale. On voit bien l’idéologie qui sous-tend cela : un Gouvernement fort avec les faibles et faible avec les forts. Ils ne pourront plus tenir longtemps comme ça.

L’unité pour s’opposer à ce gouvernement doit-elle trouver un prolongement politique avec une liste commune pour les Européennes. LFI vous propose la tête de liste. Pourquoi la refuser ?

Il nous semble avoir répondu plusieurs fois très clairement à cette question, notamment lors de notre congrès de décembre, à plus de 90% ! Nous répéter 100 fois la même mauvaise idée ne la rendra pas d’un coup brillante et convaincante. Et je dirais même que cela est désagréable et devient irrespectueux de la part de notre partenaire insoumis. Il ne faut pas confondre “convaincre” et “contraindre”.

Pourquoi une liste unique n’est-elle pas souhaitable ?

La cohérence et le projet doivent primer. Sur quoi portent nos différends ? Sur des sujets qui sont loin d’être un détail pour nous ! Notre rapport à la Chine, l’Ukraine, la défense européenne, etc. Nous voulons une Europe plus sociale, oui, mais aussi plus forte et plus fédérale. Face aux crises que nous traversons, nous pensons que l’Europe fait partie de la solution, pas du problème. Et surtout, pendant cette campagne européenne à venir, nous voulons parler d’Europe, pas instrumentaliser les questions européennes à d’autres fins, ce qu’aucun parti véritablement européen ne ferait, d’ailleurs. CQFD.

Ce refus d’une liste unique ne risque-t-il pas de casser la Nupes ?

Non, bien au contraire ! La NUPES doit se concentrer sur un objectif : gagner 2027. Mais tenter à tout prix de vouloir nous uniformiser, nous unifier, nous dissoudre même, serait une erreur préjudiciable. C’est l’inverse de ce qu’ont réussi à faire les syndicats au sein de l’intersyndicale, dans le respect de chacun, et nous l’avons applaudi des deux mains. A nous de nous en inspirer, maintenant !

Comment proposez-vous de travailler pour 2027 ?

D’abord affirmer clairement et simplement : nous aurons un candidat unique de la gauche et des écologistes en 2027. Nous proposons que se mette en place, dans les semaines qui viennent, une coopérative des bonnes volontés, qui jouerait le rôle de comité de campagne pour 2027. Notre société a besoin d’un immense souffle démocratique, dont les partis n’ont pas le monopole même si nous avons bien sûr notre rôle à jouer. Et
nous le jouerons ! Ce que nous proposons c’est que toute la stratégie pour gagner 2027 se construise dans un cadre le plus large possible, qui associe, à égalité avec les partis politiques, les associations, les syndicats, les collectifs citoyens, les artistes… toutes celles et ceux qui ne se résignent pas à perdre la bataille du vivant et à laisser se creuser les inégalités. Il y a tellement en jeu.

Comment choisir votre candidat ? Via une primaire ?

Ce sera à la coopérative de proposer une méthode. Force est de constater que les primaires à l’applaudimètre militant n’ont ces dernières années pas porté bonheur à ceux qui y avaient recours quelque soit leur camp politique.

Jean-Luc Mélenchon est-il le plus légitime ?

Si le débat des 4 prochaines années se résume à « Mélenchon, stop ou encore », alors ce sera un échec. Nous vivons dans un régime ultra présidentialisé que nous remettons toutes et tous en question. La cohérence exige que nous ne tombions pas nous-même dans ce piège la tête la première.

Quelles devraient être les caractéristiques de ce candidat commun ?
Gagner puis gouverner nécessite quelques qualités indispensables, et notamment des capacités à fédérer, à apaiser, à dialoguer. Et j’ajoute qu’en2027, pour que l’on sorte des compétitions virilistes du passé, il serait peut-être temps de faire confiance à une femme, non ?

Une partie du mouvement écologiste se pose la question d’actions plus radicales. Etes-vous pour l’écosabotage ?

En matière d’environnement, c’est aujourd’hui le gouvernement qui est condamné par la justice : pour inaction climatique, pour non-respect des normes sur la qualité de l’air, pour autorisations de chasse bafouant les réglementations européennes protectrices du vivant…. Et pendant ce temps-là la violence contre les écologistes n’a jamais été aussi palpable. Chaque jour, des militants politiques ou associatifs sont intimidés, menacés de mort. Ces dernières semaines certains ont été agressés comme Paul François dont la maladie liée aux pesticides de Monsanto a été reconnue par la justice, d’autres ont vu leur maison saccagée comme celle d’un militant de France Nature environnement en Charente-Maritime. Morgan Large, une journaliste bretonne qui enquête sur l’agrobusiness, a vécu sa deuxième tentative d’assassinat en 2 ans.…

Que comptez-vous faire ?

Nous avons pris acte que si nous ne nous en occupions pas nous même, personne ne le fera à notre place. Nous allons donc lancer en mai un Observatoire des violences contre les militants écologistes. Cibler les écologistes, associatifs ou politiques, est un phénomène qui prend une ampleur nouvelle. Nous devons le mesurer, l’objectiver, et alerter les pouvoirs publics et les Français. Mais nous avons aussi un devoir immédiat de protection de ces militants : support psychologique et support juridique. Nous n’oublions pas non plus la responsabilité de notre ministre de l’Intérieur dans tout cela : Gérald Darmanin a fait le choix pyromane de

présenter les écologistes comme responsables des maux de notre société en nous qualifiant, tous sans distinction, “d’écoterroriste”. Il met une cible dans le dos des écologistes. Cela met en danger nos militants sur le terrain, et il en porte la responsabilité.

Vous deviez tenir en juin une grande convention de refondation d’EELV. Où en êtes-vous ?

Notre démarche de refondation est totalement inédite : elle consiste à donner le pouvoir aux citoyens pour penser ensemble un grand mouvement écologiste. C’est déjà un succès : plus de 25,000 personnes y ont participé activement sur lesecologistes.fr, que pour la plupart nous ne connaissions pas. Plus de 100 réunions publiques participatives se tiennent partout sur le territoire, et ce malgré notre mobilisation sans faille dans le mouvement social ces dernières semaines. En mai, nous allons passer la seconde et intensifier la démarche, puis nous prolongerons ce processus jusqu’au mois de septembre pour répondre à cet appétit de démocratie.